Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

journal intime - Page 4

  • "Mes nuits sont plus belles que vos jours."

    zvania-by-genaro.jpgJe suis l'homme qui ne dort jamais.

    Ou si peu.

    Vingt minutes par ci, une demi-heure par là !

    Le minimum syndical imposé par le marchand de sable.
    Du reste, à moins d’avoir pris une murge à cracher un renard, un corbeau et tout le bestiaire du père La Fontaine, j’en écrase rarement façon vache morte dans un champ de luzerne.
    Non, non, toujours délicat, élégant, je sommeille d’un œil, telle une mésange sur un rameau d’Aubépine.

    85 kilos, la mésange, je ne vous parle pas de la taille du rameau !

    Bref, je pionce n’importe où.
    Sur une chaise, une banquette de voiture, en transit dans un aéroport, en avion, dans le dur, aux terrasses des bistrots, au cinoche lorsque le père de David m’impose d’assister aux projections des purges en vingt quatre images-seconde qu’il produit... Très souvent après la carambole, parce qu’en veine de confidences, le bout de gras, nu près de moi, entreprend de me raconter sa vie de son premier vagissement à son dernier orgasme ! Au bureau, tandis qu’entre deux aboulements de mioches roux et moches, passent des cigognes dans les monologue de ma collègue Françoise, dite « mère courage », sans doute la femme la plus fertile de France et de Navarre. A la cafète, quand à bout de forces, je m’acagnarde contre le distributeur de boissons pour un roupillon minute ainsi que ces petits animaux habitués à récupérer très vite leur énergie de manière à l’utiliser immédiatement en cas de danger.

    Trois heures de sommeil suffisent généralement à mon repos.

    Je les picore mais ne les savoure pas. Dormir me cave au point que je ne sais jamais quoi inventer pour retarder l’échéance.

    Perte de conscience, perte de temps, perte de désir.

    L’impression lorsque je collapse de sentir la boite à dominos dans laquelle nous termineront tous se refermer sur moi.

    Le temps, la vie qui se débinent.

    Je suis un perfectionniste obsédé par la fuite du temps. J’éprouve toujours le sentiment d’être en répétition générale, l’anxiété de devoir rendre une copie bâclée, raturée, inachevée.

    Peut mieux faire, écrivaient d'une plume finalement agacée tous les profs amenés à subir mes approximations.

    Il est clair qu'au moment de calancher, lorsque la faucheuse pointera son ombre, j’arrêterais sa main, je lui dirais :

    « -Non mais attends, qu’est ce que tu branles là toi ? Tu t’es trompée de gonze, ma poule. Moi, on ne m’a pas laissé assez de temps, mais là je suis prêt. A Aimer, à donner, à créer, à vivre enfin ! J’ai compris, j’ai l'expérience, maintenant. La vie, ma vie peut commencer. Ne pas recommencer mais commencer réellement. »

    « Encore un instant Monsieur le bourreau »! Suppliais l’infortunée Jeanne Bécu, Comtesse du Barry au moment de grimper à l’Abbaye de monte-à-regrets.

    Encore un instant, une dernière minute, un dernier regard, un dernier « Je t’aime », un dernier soleil.

    Encore une heure, encore un jour.
    Revenir en arrière et tout refaire, cette fois si dans le bon ordre et sans erreurs.

    Dormir me tue.

    Surtout la nuit !

    Mes nuits sont plus belles que vos jours.

    Parce que la nuit est mon domaine ; la nuit est mon royaume. Parce que je ne brasille, je ne luciole, je ne phosphore jamais aussi fort qu'au plus noir des ténèbres.

    Le phénomène est, parait il, notable.

    Dés l'instant ou le soir lève, mon œil s'allume d'une étrange lueur, un peu trouble, un peu malsaine .La même que l'on voit bruler au regard d'un cocaïnomane lorsqu'il s'apprête à défaire le petit paquet, aux plis bien soignés, de ses enchantements.
    Je m’agite, je mordille le gras de mon pouce, j’use ma semelle à battre le sol d'un talon impatient.

    Un branque, un louftingue, un jeté, un maboule !
    Bon pour Sainte Anne, La Garancière, les petites maisons, le pavillon des illusions, ou vous voudrez, mais camisole obligatoire !

    Les malheureux à qui j'impose ce déplorable spectacle s’affolent.
    « - Ca ne va pas ? S’inquiètent-ils avec cette douceur condescendante que l'on réserve aux grands malades ou aux imbéciles.

    Je ne daigne pas répondre.
    La nuit est venue et je rayonne, je fulgure, je rutile.

    Mais que fait il donc de ses nuits ce grand caramantran de « Mauvaise. Graine", s’il ne dort pas, Vous demandez vous certainement ?

    Il sort , il bringue , il baltringue ; et lorsqu'il ne sort pas , ne bringue pas , ne baltringue pas ( plus de sous , rien à se mettre ) , il bouquine , il écrit , il se promène dans vos vies ( oui , les vôtres , vous qui lisez ces lignes! J’avoue, je joue les fleure-fesses sur vos blogs !).

    Il téléphone aussi.

    Enormément.

    Hein ? Comment ça ?
    Au beau milieu de la nuit ?
    Il ne sait qu'il y a des gens qui dorment, eux, et que la sonnerie d’un téléphone, ça réveille ?

    Pas dans mon monde, mes amours.

    Dans mon monde, les téléphones s'allument en silence.
    Dans mon monde vous avez plus de chance de joindre votre interlocuteur à quatre heures du matin qu'à deux heures de l'après midi.

    Les rapaces nocturnes fréquentent rarement les belles de jour.

    « _ Allo, c'est toi? C'est moi. T'es ou ?
    Au " T….. "! Y a qui ? Ah bon, elle n’est pas morte cette pute ?
    Et Chris, il est là, Chris ? Enculé de pédé à roulettes, il m'a dit qu’il ne sortait pas ! Avec qui il est ? Bon, ça va c'est son cousin.
    Oué, il est beau, oué ! On le saura qu’il est beau ce brise cœur, arrête de me casser les roubignoles avec ce mec! Bé non, il m’intéresse pas, dis pas n’importe quoi ! Je ne vais pas me la jouer "Joséphine-à-la-renverse" juste parce qu‘un mec est joli à regarder !

    Ah bon, il a l'air de s'éclater la mouette, Chris ?

    Attends un peu demain, je vais lui mettre le compte au duc de Mornifle.
    Il va m'entendre chanter, le « Cricri- d'amour » !

    " Sola abbandonata in questo popoloso derserto che chiamano Parigi" ! "

    La Traviata " en intégrale ! Version Scala 55, Luchino/Callas !

    Elle va lui cracher le poumon droit en pleine poire la Violetta au bel Alfredo !

    Mais bien sur que je m'en fous, qu'est ce tu vas chercher ? Amoureux de Chris ! Moi ? ! Qu'est ce qui te prend Simone Garnier ? Tu nous rejoue " Tournez Manège " ? T’en a torché combien de bouteilles ce soir?

    Mais non, je ne suis pas méchant, arrête de chougner comme une pisseuse
    Non ; je ne viens pas. Plus de sous, rien à me mettre. Et puis c'est jeune cette boite; je vais encore passer pour la grand mère des Schtroumpfs.
    Tiens par exemple, l'autre soir, y a un Aztèque qui me tire par la manche.

    Un mètre douze au garot, 16-17 ans au compteur, une gueule à niquer uniquement les années bissextiles et encore, pendant une éclipse. Bref, le fils d'Harry Potter et de Mimmie Mathy!

     

    Y me fait, tout en me désignant d’un mouvement du menton un jambon de Bayonne en limouille rose shocking et bénard pistache! Une tranche Napolitaine, le gniard! Avec des fruits confits plein sa bobine et tout, y me fais donc : « -zcusez moi, monsieur, mon pote, là bas, il voudrait savoir combien vous mesurez

     
    Moi tu me connais, déjà je n’aime pas qu’on touche à mes habits sauf à me les arracher pendant le coït mais qu’en plus un môme que j’aurai put très bien enfiler façon perle de corail sur tige d’acier s’il avait été vaguement bitoculmetable me vouvoie ça me file des aigreurs d’estomac.


    Sans compter que je réalise par la même occasion que je me suis fait enfler vilain par notre pote « Aramis » et sa fabuleuse crème aux prépuces de cachalot séché «  qui vous rajeunit de dix ans dés la première application » auquel cas depuis le temps que je m’en tartine la gueule je devrais me trouver, à l’heure actuelle en couches culottes dans les allées du parc Monceau occupé à jouer aux billes.


    Bref tout ça pour te dire que je ne me trouvais pas dans une humeur à minauder des guimauves bleus-citrons.

    « -Pourquoi, je réplique donc ; je lui demande, moi, combien elle pèse la Balasko ?

    La figure du mioche se froisse.
    Du coup, bonne pomme, je me radoucie.

    « -1 mètre 87, nabot ! Et je commence à peine ma croissance !».

    Y se marre, pas bégueule, il s'apprête à lâcher sa vanne.

    « -Non, parce qu’il parait que les grands mecs ont des grandes queues.

    Je ne l’ai pas vue venir celle là, pas du tout ! Le jour de ce foutu jugement dernier je suis certain que la Pierrette me la sortira encore histoire de rigoler un dernier coup.

    «- Il vaudrait mieux pour toi que ça soit une légende urbaine, loupiot ; je lui balance ; parce que sinon c'est un drôle de zizi d'oiseau mouche que tu dois trimballer dans tes calcifies ! Pas besoin de poche kangourou, un étui à sifflet et t’es à l’aise ! "

    Scié le mouflet !

    Non mais oh, qui on est ? On ne va pas se laisser marcher sur nos Pradas par des nains de jardin.

    Y sont incroyables les gosses de nos jours!

    ZOB-SE-DES !

    Bientôt ils vont se pointer en boite avec un mètre de charpentier et te mesurer le boa dés que tu débarques !

    On n'était pas comme ça à leur âge ?

    On était pire tu crois ?

    Bon ce n’est pas que je m'ennuie mais je vais mater la qutrième saison de « Gossip Girl ». Ciao amore! You know, you love me! XO, XO.»



    Quand je vous disais que mes nuits sont plus belles que vos jours……….

  • " Nous bûmes tout le jour, un autre et le suivant."

     

    zzzzzzzzzzzzzzsté000000.jpg

    De la gare à mon hôtel, il n’y avait pas loin et mon sac pesait moins que mon pas dans la jonchée de feuilles mornes voltigeant lourdement avec des cris secs de petit bois brisé aux pieds mélancoliques des platanes.

    Nous étions un Vendredi, de ça je suis certain, un Vendredi tout étourdi de fin d’Automne que le Mistral froissait, un Vendredi au ciel crissant de givre, crevé de passereaux nombreux comme des taches, l’année, je ne sais plus.

    J’étais descendu la veille à Marseille pour y rencontrer un croisiériste Américain intéressé par nos programmes.


    Je devais dés le Lundi suivant prendre part à un jury appelé à choisir parmi cinquante candidats, les deux accompagnateurs chargés d’animer un tour hommage au peintre Paul Cézanne, développé par mes employeurs en partenariat avec l’office du tourisme de la ville d’Aix.

    Ainsi, je disposais de trois jours de farniente que je n’entendais pas gaspiller à flâner autour du vieux port et de la place Thiard, ni à me pavaner au « Cancan » ou à « La mare au Diable », pas plus que je n’avais l’intention de gouter aux charmes d’un vieil Aix à mon cœur plus familier encore que mon Paris natal car sujet passionnant et passionnément traité de mon mémoire de fin d'études.

    J'avais mieux à faire et un crime à commettre.

    Pour la toute première fois et, me jurais-je, la dernière, je m'apprêtais à tromper Julien.


    Ni de gaité de cœur, ni de gaité de corps, mais dans toute la froide détermination avec laquelle on tranche un membre rongé de gangrène.

    J’aimais encore « Beau Masque » et déjà « le Comédien »
    Encore de ce dernier point n'étais-je pas certain.
    Pas plus que du premier à la réflexion!

    Si passer d’un homme à un autre avec cette légèreté amusée, charmeuse, aguicheuse qui au Quadrille vous fait basculer d’un bras rude à un autre plus doux, m’avait naguère donné à sourire, ce sourire séducteur, triomphant et cynique fanait cette fois ci en rictus désenchanté.

    Contrairement à Stéphane, je n’avais pas désiré voir que nous étions destinés, par une configuration méchante des planètes ou plus simplement parce que nos absolues différences se plaisaient à jouer les aimants, à nous aimer déraisonnablement.

    De cet amour qui ne se cherchait plus de raisons depuis qu’il les savait toutes mauvaises, nous voulions penser qu’il grifferait durement la surface de nos corps sans trop altérer l’intégrité de nos cœurs, qu’une fois nos pulsions sanguines apaisées, la soif dévorante que nous avions du gout de l’autre assouvie, il se retirerait sans espoir de retour, comme au théâtre la troupe salut avant un dernier rideau, ne laissant d’autres traces sous les fards et les masques que l’écho des bravos , l’ivresse de la scène et la nostalgie des tréteaux .

    Nous pensions sincèrement pouvoir comme si de rien n’était revenir à la simplicité de nos vies séparées, lui folletant de sexes en bouches avec la blonde désinvolture d’un vent de pollen aux calices d’un jardin ; moi retrouvant la pesanteur indulgente des bras d’un Julien qui avant moi savait, qui mieux que moi savait.

    Stéphane ne m’attendait pas plus à l’hôtel qu’il ne m’avait attendu à la gare. J’en éprouvais du soulagement. Je ne me sentais pas prêt à le voir, moins encore à le toucher, à l’embrasser. Il me fallait un peu plus de temps pour que Julien se détache complètement de moi et le SMS enjoué qu’il venait de m’adresser n’aidait pas à l’affaire. J’espérais sourdement que « Le Comédien » aurait renoncé, qu’il ne quitterait pas son village de Saint Cannât, que nous ne nous retrouverions pas.

            

    Il se manifesta un peu avant midi, me demandant de le rejoindre aux « 2G ».

    Tout en haut du cours Mirabeau, au pied de la statue du « bon »Roy René, les « 2 G » ou plutôt les « 2 Garçons », ainsi nommé non parce qu’il est le point de ralliement de toutes les pédales des environs, mais parce qu’il fut fondé par deux garçons de Café associés, est un Bar-Brasserie connu par toute la France pour la beauté de son décor et l'aigreur de ses serveurs.

    Stéphane avait pris place sous la bâche protégeant la terrasse près d’un brasero dont les flammes électriques allumaient sur son visage d’ordinaire d’un blanc si pur qu’il en paraissait maladif, une rougeur de coqueluche.


    Bien qu'il ne m'ais jamais paru d'une beauté éclatante, je le trouvais plus enlaidi encore depuis qu'il maigrissait de dépit, de jalousie, de déconvenue .Seuls ses yeux du bleu étonnant des Turquoises Persanes, sa blondeur fragile et tendre, aussi douce à la lumière qu'une dentelle de soie, le sauvaient de l'ordinaire.


    Nous formions à vrai dire le couple le plus mal assorti que l’on puisse imaginer, tant j’étais alors brun et cuivré, ma bouche large et charnue de deux tons plus sanguine que ses fines lèvres nacrées, jusqu’à mon nez dont la délicatesse m’avais toujours ennuyé qui ne parut comparé au sien aussi vigoureux que celui d’un Gascon. J’étais le chêne massif et sombre, lui le frêle et clair lierre-liseron.

    Il parait, au demeurant, que ces deux espèces s’épousent volontiers.

    Je compris le malaise de Stéphane aux whiskies qu’il buvait un peu trop vite, plus qu’a la raideur de son maintien ou à la maladresse heurtée de propos exclusivement consacrés à la météo et aux premières décorations de noël dont s’ornaient les rues piétonnes.

    Je lui fit remarquer d’un timbre dont je contrôlais assez bien les agacements que je n’étais pas venu à Aix pour entendre parler d’anticyclones et de guirlandes de couleurs. Il dit qu’il savait très bien merci, pourquoi je me trouvais là, qu’il avait longuement réfléchi à la situation pour en arriver à la conclusion qu’il ne désirait pas que notre histoire commençât dans une sordide chambre d’hôtel.

    Je lui fis remarquer que ma chambre, claire, chaleureuse et donnant sur les vestiges des fortifications Romaines, n’avait rien de sordide et qu’en plus, il n’était pas question que notre histoire commence, mais bien qu’elle se termine.

    Il répliqua sèchement que j’étais à l’évidence le seul à y croire.

    Aussitôt je partis en bourrasque. J’avais envie de lui, certes de moins en moins précisais perfidement, cependant , rien de ce qu’il pourrait se passer entre nous au cours de ces trois jours, ne me ferais dévier de ma trajectoire : Je retournerais à Julien et sans doute même lui avouerais je ce qu’il savait déjà sans qu’il n’ait eut besoin de se montrer grand clerc, puisque si je mentais à tout le monde avec la faconde d’un bateleur, il m’était impossible de feindre bien longtemps face à la perspicacité rieuse de mon homme.


    MON homme, enchaina Stéphane tout en ironie, comment pouvais je appeler MON homme UN homme que je n’aimais plus depuis des mois, mais que je n’avais pas le courage de quitter parce que son aisance sociale, ses qualités intellectuelles et morales m'enchantaient, comme sa beauté fanfaronne me flattait ?

    En effet rétorquais je, pourquoi échanger un pur sang que chacun m’enviais contre un bardot tout juste bon à braire des sottises avec l’accent de Fernandel fils , puisque le père , lui, avait du talent ?

    Stéphane éclata d’un rire narquois.


    Ne venais je pas d’avouer sans même m’en rendre compte rester avec Julien par simple vanité ?

    Au lieu d’accrocher des fureurs légitimes à ce rire je m’enfermais dans ma Bastille de silence, conscient déjà, d’avoir perdu le pouvoir.


    Du reste, et même si je l’ignorais encore, du pouvoir je n’en aurais jamais sur « Le Comédien », mon précieux snobisme Parisien se brisant tout net aux arrêtes de son bon sens paysan. Si je ne pouvais mentir à Julien, je ne ferais pas longtemps illusion aux yeux de Stéphane dés que nous serions ensemble , ne comprenant que lorsqu’il serait trop tard que la délivrance, le bien être, le soulagement que j’éprouvais à être regardé tel que j’étais et non tel que je paraissais , à laisser tomber le masque , à abandonner la pose corrompaient notre relation plus qu’elle ne la servait, Stéphane aimant bien d’avantage le clinquant outrancier de « Mauvaise . Graine » que les frilosités enfiévrées de Vania.

    Non content de me prendre pour un autre, il me prit également en traitre.

    A défaut de nous retrouver dans ma « sordide » chambre d’hôtel, nous gagnâmes dans l’arrière pays un petit cabanon que son grand père possédait à l’orée des vignes, une triste bicoque au toit de lauzes et aux murs du bleu fané des lavandes.

    Aussi loin que le regard portait il embrassait un cimetière de ceps griffus comme des bras secs de cadavres jaillissant d'un sol de cendre ; puis un val creux ou des plantes rampantes, longues filandres ternes que tachait la rouille des chardons formaient sur la roche crayeuse un horrible tapis de scalps. Attelée à la masure ,une tonnelle en treillis argenté offrait l'osier brulé de son toit pentu aux voltiges d'un peuple d'araignées grasses et velues .les grands vents d’été avaient poussé la poudre grises des déserts jusque dans la pièce principale que nul ne s’était donné la peine de balayer .Le lit, au fond d'une alcôve que masquait un drapé à tournesols, montrait un matelas de crin crevé de toutes part. Par contre, les draps, en pile sur le chevet, frais, propres et brodés semblaient sortir de l'armoire d'un prieuré. Il y avait une seule chaise , un banc grossier, taillé dans de l'olivier, une table pataude sous une toile cirée orange , un évier d'étain grand comme un lavoir qu'encombrait des brocs et des bassins de faïence. Par dessus nos têtes, les combles résonnaient de la sérénade qu'y donnait une multitude de bêtes. Dans la cave à laquelle on accédait par une trappe ouvrant sur un escalier raide à se tuer , vieillissaient plus de bouteille d’un nectar de Provence que nous n'en pourrions pisser.

    Nous bûmes tout le jour, un autre et le suivant.

    Des rouges épais comme des sirops, des blancs moussus, des rosés au pétillant de grenades.

    Je ne sais plus qui le premier osa enlacer l’autre tant nous étions ivres. Je me souviens par contre que son corps très blanc, très anguleux, sa toison rousse et dense comme de l’étoupe me dégoutèrent un peu au premier abord.

    Je sais aussi que ni l’un ni l’autre n’eûmes beaucoup de plaisir la première fois .

     

     

    Pas plus que la seconde ou même la troisième.

    Je sais enfin que ça n'avait aucune importance, que le destin trébuchait aveugle comme oscillent les pendus que les corbeaux dévorent et que déjà nous étions perdus.

    C'était un Vendredi à la fin de l'Automne, l'année je ne sais plus.

     

     

     

     

     
     

     

     

     

     

     

     

     

  • " Interlude."

    zzzzzzzzz-009.jpg

    De Bonifacio, de ses rues escarpées , grimpant roidement à l’assaut des terrasses du Roy d’Aragon, d’où on aperçoit la cote Sarde et, par temps clair, les linges de couleur mis à sécher aux balcons de Santa Teresa, de son cimetière marin dont les chapelles blanchies à la chaux semblent boire tout le feu du soleil, de son chemin de ronde bordant comme un lacet l’à pic de la falaise, de ses plages secrètes , creusées à même la roche et auxquelles on ne peut accéder autrement que par la mer, indifférent à toutes beautés dés lors qu’elles n’avaient pas les yeux éblouis et le sourire radieux de Julien, le cœur rose bonbon, l'esprit azuré, le corps à la débâcle , je ne vis pas grand-chose durant ce premier séjour.

    Etrangement je me rends compte que le bonheur, dans sa simplicité, dans son évidence, dans son monstrueux égoïsme, n'est pas facile à raconter.

    Que pourrais-je vous dire que vous ne sachiez déjà du plaisir indécent des retrouvailles, de la fièvre érotique qui l’accompagne ?


    Comment évoquer sans sacrifier à la banalité, deux jours d'errances et d’abandons entre les draps moites d'un lit immense, nos téléphones coupés ; nos familles, nos amis oubliés ?

    La redécouverte de sa peau au grain lisse et serré, du gout mordoré de sa sueur, de l'exquise musique de ses soupirs ?

    Les chuchotements, les confidences amorcées, avortées d'un baiser, les fous rires sans autre motif que le seul plaisir d'être ensemble, la bouleversante loquacité des regards ?
    Comment peindre avec des mots ce qui s’en passe si aisément, ce qui tend à aller vers l’épure, l’essentiel, au cœur même du cœur ?

    Et puis, vient l'instant ou le rêve suspend son vol, ou le dialogue s’impose, ou l'on ne peut plus se défiler.

    Nous sommes allé diner dans un charmant restaurant de la rue Doria, si tard que nous y étions pratiquement les seuls clients.


    J'ai trouvé Julien d'une beauté stupéfiante dans la lumière rousse des photophores.

    Je lui ai demandé ce qu'il fichait avec moi ; ce qui a eut le don de le mettre en rogne.
    Il m'a dit que je n'étais qu'un Narcisse à la con ; que si je cherchais des compliments je n'avais qu'à m'adresser à ma cour de tapettes énamourées plus aptes que lui même à me couvrir de fleurs.


    Puis il m'a offert une de ces déclarations d’amour dont le souvenir, parfois, suffit à remplir toute une vie.

    « -Tu ne réalise pas à quel point tu es intéressant ; tu ne réalises pas à quel point c'est passionnant de vivre avec toi au quotidien. On ne s'ennuie jamais.

    Qu’aurais je pu répondre à cela ?

    Pour la première fois, moi qui ne suis que verbiage et fleur de rhétorique, n'ai put trouver les mots adéquats.


    En revanche il me semble bien que j'avais de l'eau plein les yeux tandis que glacé d'épouvante, je comprenais que, déjà, je l'aimais moins.